Urbanisme commercial – L’intérêt à agir du concurrent situé hors zone de chalandise du projet

Pour rappel, l’intérêt à agir du requérant contre un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale faite l’objet d’une appréciation particulière par le juge administratif.

 

Le Code de l’urbanisme distingue deux types de requérants en la matière : d’une part, le tiers « ordinaire » et, d’autre part, les autres requérants, à savoir : le représentant de l’État dans le département, tout membre de la Commission Départementale d’Aménagement Commercial (« CDAC ») et tout concurrent dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet, ou toute association les représentant.

 

S’agissant du requérant tiers « ordinaire », le Code de l’urbanisme prévoit celui-ci ne peut saisir le juge administratif que de conclusions tendant à l’annulation de ce permis en tant qu’il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale sont donc irrecevables (article L. 600-1-4 du Code de l’urbanisme).

 

S’agissant des autres requérants, et singulièrement s’agissant des concurrents situés dans la zone de chalandise du projet, la situation est inversée. Ils ne peuvent, quant à eux, saisir le juge administratif que de conclusions tendant à l’annulation de ce permis en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale. Par conséquent, les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il vaut autorisation de construire sont irrecevables (même article).

 

A cet égard, la Cour administrative d’appel de TOULOUSE a récemment rendu un arrêt relatif à l’intérêt à agir du concurrent exerçant en dehors de la zone de chalandise du projet.

 

Dans cette affaire, une société a déposé auprès des services de la Commune de LA CALMETTE, dans le GARD, une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale pour la construction d’un hypermarché à l’enseigne « Super U » sur un terrain situé au sein d’une zone d’aménagement concerté. Un concurrent exploitant un hypermarché à l’enseigne « Intermarché » sur une commune voisine, a contesté l’avis favorable de la CDAC devant la Commission Nationale d’Aménagement Commercial (« CNAC »). Faisant droit à cette demande, la CNAC a émis un avis défavorable au projet litigieux. Le Maire de LA CALMETTE a donc refusé de délivrer le permis de construire sollicité pour la construction du magasin « Super U ».

 

Saisie par la société pétitionnaire, la Cour administrative d’appel de MARSEILLE a annulé l’arrêté de refus de permis de construire par un arrêt n° 19MA04716 du 23 décembre 2020, et enjoint au Maire de statuer à nouveau sur la demande après un nouvel examen par la CNAC. Après un avis favorable émis par cette Commission, le Maire de LA CALMETTE a délivré à la société pétitionnaire un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.

 

Le concurrent exploitant un magasin « Intermarché » sur la commune voisine a, à son tour, saisi la Cour administrative d’appel aux fins d’annulation de ce permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.

Dans le cadre de ce contentieux, une troisième société, exploitant quant à elle un magasin à l’enseigne « Carrefour » sur la Commune de NIMES, à environ 17 kilomètres du projet en litige et en dehors de la zone de chalandise de l’hypermarché « Super U » autorisé par le permis de construire en litige, est intervenue volontairement à l’instance. Elle sollicitait, elle aussi, l’annulation du permis de construire.

 

En défense, la société bénéficiaire du permis de construire litigieux demandait bien entendu que l’intervention volontaire de cette société ne soit pas admise.

 

Toutefois, la Cour n’a pas fait droit à cette fin de non-recevoir et a, au contraire, admis l’intervention de cette société.

 

La Cour a fait sien l’argumentaire de cette société qui indiquait que si le magasin « Carrefour » est effectivement situé hors de la zone de chalandise de l’hypermarché « Super U » autorisé par le permis de construire en litige, sa propre zone de chalandise chevauche celle du projet, la Commune de LA CALMETTE étant d’ailleurs comprise dans sa zone de chalandise secondaire.

 

Elle faisait également valoir que le taux de pénétration de sa clientèle sur le territoire de la Commune de LA CALMETTE était de 41,8 % en 2019 et que les actifs de sa zone de chalandise entrant sur cette Commune pour y travailler proviennent en partie de la Commune de NIMES.

 

En définitive, la Cour a jugé que cette société, bien qu’exploitant un magasin situé hors de la zone de chalandise du projet contesté, devait être regardée comme justifiant d’un intérêt à intervenir au soutien de la requête tendant à l’annulation du permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.

 

Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence du Conseil d’Etat qui a déjà eu l’occasion de reconnaître l’intérêt à agir d’un concurrent n’étant pas implanté dans la zone de chalandise du projet (CE, 26 septembre 2018, n°402275).

 

Sur le fond, la Cour a néanmoins rejeté la requête dirigée contre le permis de construire portant sur la réalisation du magasin « Super U ».

 

  CAA de Toulouse, 7 novembre 2024, n°22TL21079

 

Une question sur un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ? L’équipe du cabinet ARÊGÔ, cabinet d’avocats en droit de l’urbanisme, vous conseille et vous accompagne. Pour nous contacter, c’est par ici !